Quel finish renversant ! Cinquième, puis troisième puis premier en l’espace de quelques heures : Yannick Bestaven a vécu une fin de course de folie pour remporter le Vendée Globe 2020, ce jeudi dans la nuit noire des Sables d’Olonne, après 80 jours de mer.
Troisième… mais vainqueur !
Le skipper de Maître Coq IV a franchi la ligne d’arrivée au large du port vendéen en troisième position. Mais le Rochelais a été déclaré vainqueur en raison de compensations dont il bénéficiait pour avoir participé au sauvetage de Kevin Escoffier.
Charlie Dalin, sur Apivia, a été le premier à boucler le tour du monde mercredi à 20h35, suivi de Louis Burton, à la barre de Bureau Vallée 2, quatre heures plus tard.
Mais les deux Français, Dalin et Burton, n’étaient concernés par des bonifications de temps. Ils terminent donc respectivement deuxième et troisième de la plus folle des courses au large.
Yannick Bestaven participait à son deuxième Vendée Globe. En 2008, il avait dû abandonner prématurément, après avoir démâté dans le golfe de Gascogne 30 heures après avoir pris le départ. Après cet échec, il a toujours voulu retenter l’aventure. Et de quelle manière !
Cette nuit, le skipper a franchi la ligne d’arrivée dans une mer agitée à 4 heures 19 min et 46 sec, arrivant donc 7 heures, 53 minutes et 59 secondes derrière Charlie Dalin.
Après le sauvetage de Kevin Escoffier, le jury du Vendée Globe avait décidé qu’une fois la ligne d’arrivée franchie, le temps de course de Yannick Bestaven serait décompté de 10 heures et 15 minutes. Au final, il a donc été désigné vainqueur en 80 jours, 3 heures, 44 minutes avec un peu plus de deux heures d’avance sur le skipper d’Apivia.
L’Allemand Boris Herrmann, sur SeaExplorer-Yacht Club de Monaco, a bénéficié lui aussi d’une compensation de six heures après ce sauvetage. Celui qui pouvait lui-aussi prétendre à la victoire finale a subi un coup du sort cette nuit. Il a heurté un bateau de pêche à 160km de l’arrivée, douchant tous ses espoirs.
Le navigateur, après cette mésaventure, a dû réduire son allure, terminant son périple au ralenti. Le Lorientais d’adoption devrait désormais arriver “entre 10h et 11h” jeudi, selon l’organisation de la course.
“Une régate à l’échelle planétaire“
Après avoir franchi la ligne d’arrivée cette nuit Yannick Bestaven n’a pas pu cacher son émotion, voyant autour de lui une cohorte d’embarcation venue célébrée sa victoire à ses côtés. “On passe de la solitude totale à cette fête, ces lumières, ces gens qui sont là malgré le contexte compliqué. C’est un bonheur, je réalise pas encore ce qu’il se passe, je suis toujours dans ma course, alors que c’est terminé. C’est un rêve d’enfant qui se réalise” a-t-il déclaré lors de sa première prise de parole, toujours sur son bateau.
Il a poursuivi en ajoutant : “Ca a été impressionnant ce Vendée Globe, ça a pas arrêté de faire le yoyo, c’est toujours revenu par derrière, c’était pas bon d’être premier en fait, quand moi j’étais premier, je me suis fait reprendre. Là Charlie, je lui ai repris les heures suffisantes pour passer devant, avec le temps de compensation. On n’a pas chômé, ça a été une régate à l’échelle planétaire“.
Arrivé plus tard à terre, le skipper de Maître Coq est tombé dans les bras de Charlie Dalin, qui encore quelques heures auparavant était le vainqueur virtuel du Vendée Globe.
Le skipper d’Apivia après en avoir terminé avec son tour du monde avait évoqué les bonifications lors de sa première déclaration :
S’il n’ a pas remporté pas la course, il a restera a tout jamais le premier à avoir franchi la ligne d’arrivée en tête. “Ca c’est génial, ça c’est top. Les line honours comme disent les Anglais, les honneurs de la ligne, elles sont pour moi“, a-t-il confié.
Vers 5h45 ce jeudi, Thomas Ruyant a lui aussi franchi la ligne. En fonction de l’heure d’arrivée de Boris Herrmann, le skipper français de LinkedOut prendra soit la quatrième ou cinquième place au général.
Le 8 novembre, 33 skippers avaient pris le départ. Huit ont abandonné – dont \_le Britannique Alex Thomson et le Français Jérémie Beyou, deux favoris_ – durant cette course marquée par une météo difficile, mais aussi, par la pandémie de Covid-19. Les contraintes ont lourdement grevé la course d’une partie de sa mythologie, en brisant les moments de communion entre les navigateurs et le public lors du départ et des arrivées. Toutefois, sur l’eau, les navigateurs qui ont terminé leur épopée ces dernières heures ont reçu un bon bol de chaleur humaine grâce à la présence de la flottille de petits navires qui sont venus les accueillir.
Cette 9e édition, avec son incroyable dramaturgie, à l’image du sauvetage spectaculaire de Kevin Escoffier et de ce dénouement haletant, entre dans l’histoire de la course. Mythique, des mots même du président français, Emmanuel Macron.
Une course sans escale, sans assistance et sans record
A 48 ans, Yannick Bestaven devient le skipper le plus âgé a remporter le Vendée Globe. Cette édition est aussi la première qui ne bat le temps de parcours de la précédente. Le record d’Armel Le Cléac’h, en 74 jours et 3 heures, établi en 2017 tient donc toujours.
Pourtant tout avait été pensé pour le faire avec la mise à l’eau d’une nouvelle génération de bateaux, les fameux Imoca et leurs non moins fameux foils, ces appendices fixés de chaque côté de la coque.
Ces “moustaches” permettent en effet aux navires de réduire leur contact avec la surface des mers et des océans, en s’envolant presque, pour atteindre des vitesses impressionnantes.
Si le seuil des 60 jours avait été avancé, les aléas météo n’auront pas permis d’attendre un tel objectif. L’Histoire retiendra que Yannick Bestaven aura bouclé son tour du monde comme un autre héros, un certain Phileas Fogg.